Chouette ! Aujourd'hui, c'est mercredi. Il n'y a pas d'école et j'ai presque fini mes devoirs. Maman a réuni les membres de son association scolaire "S.O.S. enfants en difficulté" cet après-midi à la maison.

Pendant ce temps-là, dans la pièce à côté, je peux regarder tranquillement tous les dessins animés qui passent à la télé. Sur la Une, il y a Les Aventures de Cricocrac, mon héros préféré. Mais si l'épisode n'est pas terrible, j'irai sur la Deux retrouver Les Chevaliers du Zéro, ou sur la Trois, suivre Tom-Pouce, le magazine des enfants. Si rien de tout cela ne me plaît, je regarderai Super Poison sur la Quatre, Melchior le lézard sur la Cinq et les clips de la Six.

J'adore passer d'une chaîne à l'autre. J'aime les dessins animés et les jeux télévisés, les films et les feuilletons, mais comme je ne veux rien rater, je zappe à la recherche de la meilleure émission, je zappe en me bourrant de tablettes de chocolat et de paquets de bonbons.

La réunion de Maman a commencé. La télécommande au poing, prêt à zapper comme si j'allais tirer, j'allume la télé et fais le tour d'horizon des programmes. Et... là, quelque chose d'incroyable se passe, la télé se met à me parler !

- Dis donc, Zip ! J'en ai assez d'être zappée sans arrêt. Cette fois-ci, c'en est trop ! Gare à toi, car je vais t'attraper et tu ne pourras plus m'échapper !

L'écran s'ouvre en deux, comme une grande bouche. Deux longs bras aux doigts crochus sortent des côtés du poste de télévision. Ils se tendent vers moi comme pour m'agripper.

- Oui, je vais t'attraper et tu vas me le payer ! répète la télé.

Je bondis sur ma chaise en criant :

- Maman, Maman, au secours, la télé veut me manger !

Les sourcils froncés, Maman ouvre brusquement la porte. Elle est en colère et ce qu'elle voit n'arrange pas mes affaires : je suis debout sur la table en train de gesticuler, devant les images de mon feuilleton préféré.

- Tu es fou ! crie Maman, très énervée. Descends tout de suite de là et dis-toi bien que je ne veux plus t'entendre.

Et clac ! elle referme la porte, pendant que Cricocrac déclare qu'il va sauver l'humanité, et particulièrement les enfants en difficulté.

- Dites trois fois "Cricocrac" sans vous tromper et je viendrai !

C'est impossible ! J'ai dû rêver. Ma télé n'est pas devenue une mangeuse d'enfants !

Avec ma télécommande, je passe de la Une à la Six, de la Quatre sur la Deux, pour revenir finalement sur la Une. Tout a l'air normal. Ma télé n'a rien d'un monstre infernal !

- Mais si, justement, dit-elle en montrant à nouveau ses grandes dents. Je suis l'OGRESSE du petit écran, je mange tous les enfants qui me malmènent en me zappant tout le temps !

Ses deux bras s'allongent à nouveau... Mais je ne me laisse pas faire. J'enlève une chaussure et frappe le monstre tout en zappant et en criant que non et non, il ne m'aura pas !

- Vraiment, ça ne tourne pas rond chez cet enfant, s'écrie Maman qui fait une nouvelle apparition. Tu veux tous nous tuer ? A taper sur cette télé, tu vas la faire imploser !

Rouge de colère, elle menace, le doigt en l'air :

- Si je t'entends encore une fois, j'éteins définitivement cette télévision !

Juste au moment où elle referme la porte, le téléviseur allonge ses tentacules et, en un éclair, m'attrape et m'avale. Gloup !

Me voilà enfermé dans le ventre de la télé. Il y fait aussi sombre que dans une salle de cinéma.

Je supplie :

- S'il vous plaît, Madame la télé, laissez-moi partir...

Mais elle ricane :

- Ah ! Ah ! Ah ! Tu t'es bien amusé à me zapper. Eh bien, à mon tour maintenant...

Je tambourine de toutes mes forces contre les parois. Une porte s'ouvre. Hélas, ce n'est pas ma maman ! Je reconnais les Chevaliers du Zéro, Super Poison et Melchior le lézard, qui s'avancent, l'air méchant.

Eux aussi veulent sûrement se venger d'avoir été trop souvent zappés ; et puis, ils sont certainement jaloux de Cricocrac, mon héros préféré...

- Attrapez- moi ce petit zappeur, attrapez-moi ce petit farceur ! crient-ils tous en choeur.

Je m'enfuis à travers les fils électriques, les tubes et les ampoules du monstre électronique.

Affolé, j'appelle :

- Cricocrac ! Cricracroc... Oh, zut, je me suis trompé.

Je veux recommencer mais, soudain je glisse et je tombe en plein milieu d'un spot publicitaire. Une avalanche de bonbons, de caramels, de barquettes à la fraise, de chips, de jus de fruits et pastilles diverses me tombe sur la tête. Je trouve ça formidable. J'en profite pour goûter à tout et m'en mettre plein les poches ; mais une pluie de jeux électroniques, de pin's, de livres-cassettes, de planches à roulettes, et même un revolver en plastique et une console d'ordinateur s'abattent autour de moi.

Je croule sous les sucreries, les jeux et les jouets de toutes sortes. J'ai mal au coeur, je ferme les yeux, me bouche les oreilles, et je crie :

- Stop ! Arrêtez, il y en a trop !

En guise de réponse, je reçois une nouvelle rafale de friandises, de ballons, de poupées-robots. J'appelle encore une fois le sauveur des enfants en difficulté.

Sans me tromper, je crie :

- Cricocrac, Cricocrac, Cricocrac, au secours, délivre-moi de cette télé !

Mon héros arrive au milieu d'une poussière d'étoiles.

- N'aie pas peur, Zip, je vais te sortir de là !

Il me tend la main et m'éjecte d'un coup hors de mon téléviseur. Dans un bruit fracassant, j'atterris au milieu des chaises renversées, à quatre pattes sur le plancher de la salle à manger.

- C'était La télé est à nous, salut à tous et à mercredi prochain !

- Cette fois-ci, tu as dépassé les bornes, dit Maman, hors d'elle.

Et elle éteint le télé.

- Oh non, Maman, j'ai juste fait un cauchemar ! La télé voulait...

Mais Maman ne veut rien entendre :

- File dans ta chambre terminer tes devoirs, gronde-t-elle, on réglera tout ça plus tard.

Finalement, c'est très bien ainsi, parce que, je l'avoue... parfois, la télé me rend fou !

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